Un doux matin. Quoique doux ne fut pas le mot exactement recherché, bien qu’il en fût largement rapproché. Mais doux n’était pas le terme ; presque doux l’aurait été. Presque ? Parce qu’il n’y avait pas Evy. « Ô ma douce Everhann, toi qui hante mes pensées à chaque instant ». Divaguer ? Matthew ? Jamais. Pas fou, pas accro. Juste admiratif devant cette belle colombe que lui offrait la vie ; la perle qu’il s’évertuait à polir et satisfaire jour après jour.
Matthew soupira. Le fait d’être seul dans cette grande maison - au style traditionnel, à quatorze heures de l’après-midi, le désespérait un peu. De plus, il n’avait aucun cours à donner dans la journée. Que devrait-il faire ? Se rouler sur le sol en pensant à la jolie blonde, regarder un film à l’eau de rose en imaginant qu’Evy était l’héroïne principale, ou devait-il peindre un tableau à son effigie ? Dans les trois cas, son amie lui aurait donné un petit coup sur la tête en soufflant un léger : « Abruti. » Mais elle aimait cela, en réalité ; c’était du moins ce que le brun s’obligeait à penser. Il sourit, comme si avoir pensé à celle-ci avait illuminé sa journée.
Il prit son shinai de bambou, s’entraîna une petite heure dans le jardin et sortit en trottinant pour faire quelques courses. En chemin, il croisa quelques uns de ses anciens amis de KHS – ce qui lui fit remémorer ces belles années – et d’autres habitants de Kyuu qu’il connaissait plus ou moins. Il aida même une grand-mère à porter ses affaires et arriva jusque devant son ancienne école, qu’il connait si bien. Malheureusement, ce n’était pas l’heure de la fin des cours ; il devait encore attendre avant qu’Everhann ne finisse. Everhann, Everhann, Everhann. À croire qu’il n’avait que ce prénom à la bouche, le pauvre garçon ! Eh bien oui, Everhann, simplement. (Et puis, qui aurait pu penser – ne serait-ce qu’une seule seconde – que Matthew n’était pas simple d’esprit ?) Soudain lui vint une idée : et s’il se préparait pour aller chercher Everhann à sa sortie des cours ?
Sautant de joie, comme ayant trouvé l’idée du siècle, il se précipita vers son domicile ; quiconque se trouvait dans la rue à ce moment, aurait vu passer un fou qui courait en riant. Un fou … Ce n’était que Matthew, bien sûr. Il courut jusqu’à l’entrée, entra et posa les courses dans la cuisine, cela pouvait attendre. Puis, il dévala les escaliers et monta à l’étage pour prendre une douche. L’eau ruisselait lentement sur son corps ni trop épais, ni trop fin ; quoi qu’un peu musclé. La tête légèrement inclinée en arrière, se passant les mains dans les cheveux, comme pour en accentuer le volume. Matthew passa ses mains sur son visage et se saisit d’un des gels douches qui se trouvaient sur l’étagère. Il sentait bon, il pouvait donc faire le bonheur d’Everhann (car pour lui, un homme ne pouvait satisfaire Everhann que s’il est présentable ; d’ailleurs, il était le seul homme qui pouvait la satisfaire – enfin, c’est ce qu’il croyait dur comme fer). Il enroula une serviette autour de sa taille et sortit de la salle de bain – en courant dans le couloir, afin d’y mettre plein d’eau (c’était bien plus amusant quand Evy lui faisait la morale sur ce point). Dans sa chambre – qu’il aurait bien aimé partager avec la belle blonde – il ouvrit l’armoire où étaient rangés des tas d’affaires ; il n’en prit que les plus beaux pour l’instant : une chemise bleue et son smoking gris anthracite, presque noir – ainsi qu’une cravate de la même couleur. Il sourit. Elle sera fière de lui et le trouvera le plus beau de toute la foule, pour sûr ! (Enfin c’est ce qu’il … vous imaginez la suite).
Matthew jeta un rapide coup d’œil à sa montre tout en refaisant ses boutons des manches. Il allait être en retard s’il ne se dépêchait pas un minimum : il pressa donc le pas. Regardant le ciel et chantonnant joyeusement, le beau brun – un peu typé sur les bords – souriait à quiconque le souhaitait : « Ma Evy serait sûrement jalouse de voir que cette mamie me dévisage ! » Cela le rendait deux fois plus heureux, mais personne ne saurait vraiment dire pourquoi (pas même moi !).
Arrivé. Pile à temps, d’ailleurs. Matthew enleva sa veste et la mit sur son épaule, puis s’adossa contre le muret en-face de Kyuu High School. La sonnerie retentit dans l’établissement tout entier et c’est alors que se firent entendre un grondement d’éléphants : les dizaines d’élèves s’amassaient devant la grille de sortie. Le brun – auquel nous nous intéressons – s’ébouriffa les cheveux en lançant de vifs regards à droite et gauche de ce ramassis d’étudiants qui ne semblaient vraiment pas être la seule personne qu’il cherchait : « Mais où est-elle passée ? » Pendant ce temps, on le regardait ; qu’est-ce qu’un si bel homme faisait devant l’école, attendait-il quelqu’un ? Tout de suite, des filles (« vraiment moches comparées à la belle Evy ») vinrent lui parler et lui encombrer le passage. Lui, pas de nature méchante, leur répondit à des questions qu’on lui posait, levant un peu la tête pour guetter l’arrivée de celle qui hantait ses rêves.
«
Vous ne connaîtriez pas (ma) Everhann ? » demanda-t-il, plein de vie.