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| Sujet: Ah la caillera ! [PV - Lewis] Mer 13 Oct - 22:22 | |
| On ne voit plus rien, il y a trop de fumée et ça pue la pipe... Par compassion, Charly se taisait et subissait en silence l’odeur infecte que produisait ce vieil homme rabougrit, caché par ses énormes bouées aux cernes de crapauds. Mais qu’est-ce qu’il empestait ! Si ce n’était pas à cause du tabac, elle aurait pu supporter sa présence sans aucun problème, mais à chaque fois qu’il soufflait ses bouffées, il envahissait le compartiment et relançait une envie de nausée… Le vert de ses joues contrastait médiocrement avec le rose de ses cheveux… Charly n’en pouvait plus, elle n’osait pas s’éventer à l’aide de la brochure de sa future école pour ne pas contrarier le vieux, mais là, c’en-é-tait-trop ! Stop ! D’un mouvement brusque, elle se releva, regarda, yeux dans les yeux, le gros, et croisa les bras d’un air hautain :
« Tu pues ! Le vieux ! »
Non… En fait, ça, c’est ce qu’elle aurait aimé faire… Maiiiiis… Elle se contenta de sortir en triple vitesse, courir vers la fenêtre et s’aérer d'oxygène frais de dehors en passant sa tête fraîchement par la vitre. Limite, elle en sortirait presque la langue mais préféra ouvrir la bouche pour se refaire le plein d’O2. Elle dût rapidement s’arrêter avant de manquer d’air tout de même. La vitre refermée, Charly, face écrasée contre celle-ci, contemplait l'extérieur. Le paysage filait si vite qu’on n’y percevait plus qu’un chagrin de couleur uniforme. Parfois, quelques pétales venaient rattraper le vent et dansaient au même rythme que ce train avant de se séparer du rail et se détourner vers l’horizon, derrière la colline. D’ici, on pourrait croire qu’elle est vraiment immense, que le ciel s’y plonge à l’infini, baignant dans une mer de nuage. C'était idyllique.
Lorsque le train s’arrêta pour laisser place à la station de bus, Charly se sentit comme décompressée. Passer d’un tempérament extrême à une place aérée comme celle-ci lui donnait toujours une étrange sensation, comme si ses poumons se débloquaient. Sentant venir le haut-le-cœur, sa courbette fit plutôt penser à une révérence maladroite, basculant la tête en avant, toussant à en cracher ses poumons, il fallut à Charly 10 minutes et 25 secondes pour reprendre son précieux souffle. Depuis quelques temps, elle poussait le bouchon trop loin et ses nausées étaient plus agressives que d’habitude. Si elle ne se remettait pas en question ou ne faisait pas gaffe pour les jours à venir, c’est clouée au lit, tête vers un dessin pendu au plafond, que Charly devra contempler l’horizon aux illusions interminables.
Il devait être aux alentours de 18h, maintenant, 18h et demi peut-être même. Dehors, le ciel avait viré au rouge et les vitres du bus étaient si sales qu’on pouvait à peine distinguer ce qu’il se trouvait de l’autre côté. La moitié des fauteuils étaient éventrés avec quelques ratures au feutre indélébile. « Rioter for ever <3 » « I ♥ U dear » « Manon, en bas de où tu sais, 10h ». Les gens n’avaient-ils donc rien d’autre à faire pendant ce genre de trajet ? Pensivement, Charly détaillait chaque lettre et séparait chaque mot de sa phrase pour bien en cerner la signification. Son regard était vague, sa tête ailleurs, à Kyuu High School plus précisément. Beaucoup d’inquiétudes à propos de son intégration. Beaucoup de craintes sur sa maladie et beaucoup de chagrins pour sa famille. Une fine pluie commença à arroser le car avec une douceur telle que, pour une fois, la petite rousse se sentit en sécurité, se sentit bien. Si bien qu’elle s’endormit et loupa 4 arrêts.
A son réveil, il faisait nuit noir, les lampadaires éclairaient à peine ! Où était-elle bon sang ? Elle voulut regarder à travers la fenêtre mais n’y voyait que son reflet. Dehors, elle pouvait entendre les roues battre les flaques d’eau. Il avait donc beaucoup plut… Le bus, lui, était toujours aussi vide.
Dès le premier arrêt, la miss y descendit mais la transition de l’intérieur du car bien illuminé à l’extérieur sombre et démunit de toute lumière l’aveugla. Elle tâtât tout ce qu’elle pût trouver sur son chemin. Ses mains se piquèrent d’abord dans les haies mal-taillées, elle loupa la descente du trottoir, se cogna aux bornes d’incendies et se perdit au milieu de nul part avant d’accourir vers un magasin encore ouvert et miraculeusement allumé.
C’était un bar, en fait, visiblement, il y avait quelques personnes à l’intérieur, tous des jeunes semblants bien s’amuser pour la plupart. De l’autre côté de la fenêtre, accrochée aux poutres horizontales qui barraient les baies vitrées à moitié couvertes par les persiennes de bois, la jeune fille sentit ses lèvres se gercer par le froid, son bout du nez commençait à geler et elle produisait de la buée sur la vitre. D’ici, elle arrivait presque à sentir la chaleur qui devait y faire là-dedans ! Mais aussi l’odeur du tabac… Certainement… Le plafond était gris de fumée. S’imaginer rentrer là-dedans terrorisait la miss. Frigorifiée mais beaucoup trop timide et peureuse pour oser rentrer, Charly se contenta de s’adosser comme une racaille contre le mur, à côté de la porte, à attendre que quelqu’un sorte ou rentre. La première personne qui lui tomba sous la main : fille, garçon, grand, petit, vieux, jeune, quoiqu’elle puisse être, mais même si elle devait se mettre sur la pointe des pieds pour l’attraper, elle lui bondit dessus et la plaqua, ou tenta de la plaquer, contre le mur avant de prendre une voix malfamée, un regard de zombi, et de consumer un effort indescriptible pour paraître la plus menaçante possible.
« Ecoute-moi bien mec ! Ou meuf… J'vois rien. T’as 10 secondes pour entrer dans ce bar, me commander à boire, le truc le plus chaud du monde, même du café s'il n’y a plus que ça ! A bouffer, le truc le plus gras qui n’ait jamais existé dans ce maudit monde, tu reviens ici, tu me files le tout et tu te casses sans plus jamais te retourner et moi, moi je savoure mon triomphe et je me barre et nos routes ne se croisent plus jamais ! JAMAIS ! Tu m’entends ?! HAHAHAHA ! »
Ce qu’il ne valait mieux pas préciser, c’est que ce qu’elle venait de dire, c’était la réplique, mot pour mot, d’un gangster pris en flagrant délit d’un très, malheureusement trèèèès célèbre film policier qu’elle s’est sans doute regardée 56 fois tout en grignotant des niknak dans sa chambre.
Il fallait tout de même y ajouter sa petite touche personnelle sinon ça ferait trop plagiat… Resserrant le col, dans son poing, de plus belle, Charly rapprocha sa tête à celle de sa victime –en grimpant un peu sur l’épaule mais ça, il ne faut pas le dire- et fronça presque méchamment les sourcils avant de chuchoter sur un ton hostile :
« Dix… Secondes ! Pi-gé ? »
Soudain, sa gorge se mit à chatouiller, elle voulut se retenir jusqu’à ce que la scène se finisse mais, trop tard, elle n’eut pas le temps de se reculer à une distance sécuritaire qu’elle se mit à toussoter, d’abord très légèrement, en pleine face de la personne qu’elle tenait entre ses mains et finit par avoir une toux plus grasse qui l’obligea à se reculer en retraite, tête penchée pour éviter d’éparpiller ses microbes. Face à une petite toux pareille, en temps normal, elle se serait jetée sur son bronchodilatateur et se serait mise une bonne dose de médoc' dans son organisme, mais là, ce n’était pas le moment de faire sa petite faible. Elle devait faire sa dure si elle voulait bouffer et avoir chaud et surtout, trouver ce ´*@%^$ de chemin qui mène vers cette ù¨$ùµ*é& d’école ! Mettant son poing devant la bouche, tentant de maintenir son aspect -qui jusque là ne s’était pas montré très convainquant- de sale caillera des rues, parlant en bégayant pour masquer sa toux qui l’interrompait. Charly persista :
« Alors ?! T’attends quoi ‘gars ? Que les poules auront des dents ? Si tu es fermier et que tu t’en occupes, elles crèveront toutes de faim et auront toutes eu le temps de faire des p’tits si tu les nourris à ce train-là… »
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