Ce matin, réveil des plus agréables pour Nanami. Ouvrant les yeux, elle pu constater en regardant par la verrière de sa chambre que le ciel était clair, et que de gros nuages de ceux que l'on rêvait secrètement de toucher du bout des doigts filaient en douceur dans l'immensité éclatante. Un sourire se dessina sur ses lèvres tandis que Nao, sa petite chatte, sautait souplement sur le lit pour venir se frotter contre elle. Après s'être soigneusement étirée, comme avait dû le faire le félin un peu plus tôt, la jeune femme sauta du lit prestemment et sourit en profitant de la vue d'ensemble sur sa chambre. Pas trop grande, mais agréable et très claire, avec un parquet clair et un lit double au matelas ferme et aux draps moelleux trônant sur une ingénieuse estrade, dont les deux marches cachaient en réalité des tiroirs afin de faciliter le rangement. Autrement, deux étagères de bois clair s'alignaient au-dessus du lit alors que les rebords de l'estrade faisaient office de table de chevet. Sous les fenêtres, dans le prolongement de l'estrade, se trouvait un long meuble bas dans lequel étaient rangés des documents et des livres. En face, une armoire et dans l'angle, un miroir haut.
La pièce d'à côté, qui faisait office de bureau la plus part du temps - avec ordinateur et tout ce qui va avec, mais aussi de deuxième chambre quand il y avait de la compagnie grace au clic-clac blanc qui y était installé, était un peu plus grande mais avec un éclairage semblable dû à la verrière. Descendant des escaliers aériens et modernes, en plexiglas et métal noir, la rousse eut cette fois-ci une vue sur l'entrée à sa gauche, la salle à manger et le salon à sa droite. L'entrée était claire, avec une partie en carrelage où habitants et visiteurs laissaient leurs chaussures. Sur le mur de droite, une double porte coulissante blanche camouflée cachait une penderie pour les manteaux, à gauche, sous l'escalier, un meuble blanc était utilisé pour poser les clés ou le courrier, et la partie inférieure avait pour fonction d'être un meuble à chaussures. Une marche permettait d'accéder à une pièce de bonne taille, au parquet lustré. Deux grandes fenêtres sur le mur d'en face, couvert de briques, laissaient filtrer la lumière. Une table noire vernis et des chaises semblables, dont l'assise et le dossier étaient faits de tissus colorés, reprenaient un style baroque mais modernisé. A la fois sobre et clinquant, comme salle à manger, c'était difficile de dire quel mot était le plus juste mais pourtant ça ne manquait pas d'élégance. Le salon, derrière, était constitué d'un canapé trois place de cuir noir et de deux fauteuils semblables. Une télé posée sur un meuble bas trônait en face, encadrée par un meuble où l'on trouvait divers films, un autre dans lequel se trouvait une chaîne hi-fi et des CDs.
En se retournant, on pouvait voir une pièce ouverte juste à côté de la salle à manger, la cuisine. Des rangées de meubles et de placards de chaque côté, une couleur claire sur les murs allant parfaitement avec le bois clair des plans de travail, une porte fenêtre permettant l'accès à une terrasse aménagée de meubles d'extérieur comme de plantes. La pièce voisine se trouvait être la salle de bain, dont les teintes dominantes étaient très naturelles, dans des variations de gris. Lorsque l'on y entrait, le regard tombait tout de suite sur la baignoire, encastrée dans une estrade montée au ras de la fenêtre coulissante aux barreaux extérieurs couverts par une glycine à la senteur délicieuse une fois fleurie. A droite se trouvait une petite douche à l'italienne séparée des toilettes par un mur à mi-hauteur carrelé. A gauche se trouvait une double vasque simple et élégante, avec un grand miroir.

Nanami, il fallait l'avouer, était très satisfaite de cet appartement. Profitant du lever du soleil en prenant un rapide petit déjeuner dans la cuisine, composé d'une tasse de thé, d'un verre de jus de fruit et de deux tartines à la confiture de cerise, elle fila se préparer dans la salle de bain puis choisi rapidement sa tenue pour la journée. Une marinière bleue et un slim, sa vieille paire de Converses noires, un foulard rayé blanc et rouge assorti au vernis rouge appliqué sur des ongles soigneusement manucurés. Une veste officier noir ceintrée et un grand sac m^élant cuir et tissu fleuri, dans lequel elle fourra son portable, ses clés, son repas de midi et le travail qu'elle avait péparé pour la visite qu'on lui avait demandé d'animer. Sachant qu'elle sortirait plus tôt, elle y plaça également une trousse et un bloc à dessin, et pris également son appareil photo, anciennement à son frère et que ce dernier lui avait donné lorsqu'il avait pu s'en offrir un nouveau.

Elle descendit rapidement les escaliers de l'immeuble, ne jugeant utile l'usage de l'ascenceur que lorsqu'elle rentrait des courses, les étages ne l'effrayaient pas autrement. Puis, plutôt que de prendre sa voiture par un si beau temps, elle rejoignit à pieds son lieu de travail, sur le centre ville. La journée se déroula en douceur, le groupe d'enfant qu'elle eut à charge se montra sympathique et plutôt actif alors qu'elle expliquait avec simplicité l'origine de telle oeuvre ou le travail qu'avait exigé une autre. Une fois sa - relativement courte - journée achevée, elle quitta le grand musée et, s'informant de l'heure, décida de se diriger vers la plage et les rochers surplombant l'océan plutôt que de retourner trop tôt chez elle. Nanami préférait profiter du temps clément pour dessiner et prendre des photos. Des enfants, un couple... Les choix étaient variés et idéals pour travailler les positions et les portraits. De plus, le cadre était idéal pour de belles prises de vues. La jeune femme s'installa donc et, plaça son gros casque au motif vichy vert plutôt extravagant sur ses oreilles. Profitant de sonorités agréables, elle entama son activité artistique en paix et se plût à capter la lumière douce au travers de son objectif. Elle releva également que pas une fois dans la journée on ne l'avait prise pour une élève de KHS séchant les cours, comme ça lui arrivait quotidiennement à cause de sa taille entre autre.

Nanami avait relevé ses cheveux en un chignon brouillon pour se dégager le visage, et s'était posée tranquillement sur les rochers. Captant la lumière douce qui faisait étinceller l'immensité aqueuse se déroulant sous ses yeux au travers de son objectif, la rousse se coupait un peu du reste du monde grace à son casque, vissé sur sa tête dès que possible. Elle aimait la musique, même si son frère jumeau était le musicien de la famille. Il avait appris la guitare en autodidacte, mais aimait aussi tâter les touches d'un piano. Elle se souvenait, à KHS, les regroupements entre amis dans la cour ou la salle commune, son frère jouant de la guitare et elle chantonnant les airs. Parfois, ils avaient tous de bons fous rires en créant de bêtes chansons à partir de consignes provenant d'un livre de mathématiques, ou d'autre... Il arrivait aussi qu'elle se mette sur le côté et dessine la petite troupe. Son frère avait toujours été meilleur qu'elle et ne se foulait ainsi que très peu en cours, provoquant un niveau moyen qui avait fortement tendance à faire enrager ses professeurs. Mais elle ne l'avait pas vraiment détesté pour ça. C'était son frère jumeau après tout, et même si ils partaient dans des disputes, quand l'un avait des ennuis l'autre était là.


Désormais, ils n'étaient certes plus ensembles, mais continuaient de se voir avec leurs amis, de s'organiser des sorties ou des soirées. La jeune femme alla demander à un couple d'une cinquantaine d'année si elle pouvait les prendre en photo. Ceux-ci acceptèrent, et la voilà qui tournait discrètement autour et prenait des clichés. Des photos où le naturel et le travail sur la lumière primaient. C'était avec son frère qu'elle avait appris cela. Elle dessinait, surtout, à la base. Mais son jumeau lui avait aussi donné le goût de la photographie. Emportée par le doux rythme de la musique, encore une bande originale, ce qui composait pour ainsi dire la moitié de son mp4, approximativement, elle vérifiait les clichés fais précédemment. Satisfaisants, quelques clichés en noir et blanc avaient un rendu particulièrement beau. Alors qu'elle faisait cela, une personne éternua derrière elle, ce qui la fit se retourner.


Un élève de KHS, sans doute dans les dernières années vu ses traits, qui étaient jeunes sans avoir rien d'adolescent. L'air ennuyé, il s'excusa poliment puis la dévisagea. Tiens, enfin une personne qui se demandait d'où elle sortait. Mais son visage était un peu connu à KHS, les séries que son frère avait pris d'elle avaient recontré un franc succès. Nanami, elle, s'était amusée à commenter avec ironie le fait que l'on avait pas forcément besoin d'être grande et très mince pour faire un bon modèle. De plus, prendre la pose avait été facilité par le fait qu'à ses cours de dessin, elle était habituée à faire des portraits et parfois se proposer comme modèle. Des photos élégantes, à la lumière un peu vieillie sur ordinateur, des mises en scène en ville ou dans un milieuplus naturel, sous la pluie ou sous le soleil... Une photo qui avait eu du succès, celle d'une Nanami de profil, sous la pluie. Noir et blanc, parapluie et chevelure rouge, main tendue vers un enfant à l'air un peu perdu. La poésie de la pluie et la douceur de la scène avait marqué. D'autres clichés, où on la voyait à cheval ou avec un cheval... Une autre, en noir et blanc. Tenue blanche collée à la peau par l'eau. De l'eau jusqu'aux hanches. La chevelure lâchée et trempée, le visage ruisselant et un regard étrangement enflammé. Une forte lumière venait du coin supérieur gauche alors que ses doigts frôlaient la surface de l'eau. Comme une apparition. Nanami n'avait jamais eu aussi froid de sa vie, en prenant cette photo.

Trêve de souvenirs, présentement, elle sourit polit au brun se tenant devant elle et, un air un peu malicieux se plaquant sur son visage, elle le prit en photo par surprise.

Oh, c'est rien. Mais tu n'es pas censer étudier, à l'heure qu'il est?

Nanami vérifia la photo. Selon elle, rien n'était plus agréable qu'une photo où s'exprimait le naturel. Naturel d'une rue, des passants, du modèle... Les photos prises sur le vif étaient toujours les meilleures lorsque le cadrage et la lumière étaient idéals. Et dans ce cas précis, elle était satisfaite de ce qu'elle voyait. Sa question était purement formelle, elle-même ayant eu un mal fou à se mettre au travail lorsqu'elle était à KHS. Le monde du travail, contrairement à ce qu'auraient pu penser ses professeurs, lui seyait vraiment et lui plaisait. Véritablement autonome, pouvant faire ses propres choix et mener sa vie comme elle le souhaitait de A à Z. Pour un être aussi indépendant qu'elle, c'était ce qu'il fallait. Et bien qu'elle possède une multitude de souvenirs de l'école, que le dernier jour ai été marqué par la mélancolie de tous, à la fois heureux de partir et tristes de voir leurs chemins se séparer, Nanami, elle, s'était sentie libérée d'un poids.


Considérant l'âge du garçon se trouvant devant elle, la vingtaine, elle l'observa de plus près. Cheveux noirs, yeux bleus et l'air charmant... Il ne devait pas avoir de soucis pour se trouver une petite amie, celui-là... Deuxième éternuement, Nanami le dévisagea et tenta de deviner ce que cachait cet air pensif. Il venait de confirmer ce qu'elle pensait, et elle comprenait tout à fait qu'il n'ai pas tellement envie de travailler. La rousse s'éloigna de deux pas et lui tourna autour lentement, telle un félin, l'appareil photo en main, cherchant un bon cadrage. Elle avait retiré l'un des écouteurs de son casque, qui était désormais légèrement de travers mais sans lui donner l'air ridicule. A nouveau cet air concentré, bien qu'elle suive la conversation en même temps. Discuter avait tendance à détendre les gens, c'était profitable pour ses photographies. L'étudiant lui fit part de son impression de déjà-vu et Nanami ne pu s'empêcher de sourire, encore une fois.


Certes, les photos de mon frère auraient été gardées, à KHS? Tu m'as peut-être croisé dans les couloirs aussi... Tu sais, les attroupements dans la salle commune, mes dessins et les photos de mon frère... Si ils ont gardé nos travaux, je rigole. Sérieusement, ça veut dire qu'on est devenus populaires de façon tout à fait involontaire. Faudrait que je le signale au brother. Au fait, tu t'appelles...?


Clic clac Kodac. Elle prit deux autres photos du jeune homme en jouant avec le zoom de l'appareil photo. Un semi-pro, pour des raisons pratiques elle n'avait pas pris d'objectif et se débrouillait largement avec celui de l'appareil. Un petit bijou cette chose, elle n'osait même pas penser à la merveille que son frère s'était offert en remplacement. Un an et demi d'économie pour s'en offrir un, mais il avait bien paradé lorsqu'il avait enfin obtenu l'objet de sa convoitise. Un chien arriva en courant, le déclic de l'appareil. Un chien la gueule ouverte et l'air très heureux dans la boîte. Les photos prises sur l'instant, impossible, c'était vraiment ce que préférait la jeune femme. Son sens théâtral en action, elle avait décidé de garder son identité comme une surprise, une fois que le jeune homme lui faisant face ait décliné la sienne. Question de comédie, peut-être d'élégance discrète, aussi.

Autour d'eux, le chien commença à bondir et à faire des aller-retours entre son maître et les rochers, excité au possible. Des cris d'enfants s'entendaient vers la plage, le bruit de la mer berçait la scène et la douce lumière annonçait un merveilleux coucher de soleil, plus tard dans la soirée. Quelques gros nuages blancs glissaient dans le ciel. Des nuages, Nanami faisait rire ses amis lorsqu'elle leur disait qu'elle aussi voulait être un nuage, et filer dans ce vaste ciel, si bleu... Bouger, aller ailleurs, voir du pays... Chose impossible à Kyuu.

Une mèche de cheveux se rebellait, flottant grace à l'action du léger vent qui soufflait, et se collant surtout sur le visage de Nanami. D'un geste un peu agacé, elle fit par la coincer derrière la branche droite de ses lunettes, la passant derrière l'oreille. L'homme promenant son chien était dans un coin, seul sur les rochers avec son animal de compagnie courant un peu plus loin. Lumière annonçant le couchant parfaite, la rousse prit un nouveau cliché. Cadrage net et propre, vraiment une belle photo. Il suffirait de jouer sur les contrastes pour lui donner un peu plus de profondeur. L'homme ne bougea pas, surveillant son chien depuis le promontoir que formaient les rochers. Nanami passa en noir et blanc et reprit une photo. Plutôt satisfaisante elle aussi. Finalement, elle choisit de s'installer à côté du jeune homme et de se présenter également, par politesse.

Eh bien enchantée. Chihara Nanami, mais tu peux m'appeller par mon prénom si tu veux.

Elle le gratifia d'un des sourires gracieux dont elle avait le secret. Les enfants, sur la plage, avaient attiré le chien qui leur tournait désormais autour. Son maître s'était approché et surveillait l'animal qui, même si il semblait plutôt gentil et joueur, pouvait très bien mordre accidentellement au cours du jeu. La jeune femme prit une autre photo. La soirée s'avançait et elle se sentait plutôt bien. Ce soir, elle irait filer un coup de main au bar et devait bientôt rentrer pour manger un bout et se changer. Comme d'habitude, ce serait un débardeur noir à la place sa marinière, un tablier noir autour de ses hanches, la démarche doucement chaloupée typique des personnes portant des Converses... Elle reprit quelques photos de son environnement, dont un cliché du jeune homme, et profita des rayons et du ciel se faisant lentement aussi flamboyant qu'elle, puis se leva et s'étira avant de ranger son appareil photo dans la pochette lui étant dédié.

Huuum... Tu devrais rentrer, si il y a toujours ce pion sympathique qui surveille les dortoirs, je ne trainerais pas trop à ta place... Enfin tu connais la chanson. Pour les clichés que j'ai de toi, tu préfère que je les efface ou pas? Il se pourrait que je travaille dessus et qu'ils se retrouvent sur le net. Même si je garde l'anonymat sur les personnes de mes photos, on ne sait jamais...

Elle attendit la réponse avant de se diriger vers la plage et faire de même avec les enfants et l'homme promenant son chien. Les parents des petits étaient entrain de discuter sur le côté, et le promeneur avait décidé d'entamer une conversation avec eux. Nanami avait l'intention de leur montrer les clichés et leur faire une demande similaire pour ne pas subire une éventuelle poursuite judiciaire...